COMPLAINTE DES TISSERANDESToujours draps de soie tisserons
Et n'en seront pas mieux vêtues.
Toujours seront pauvres et nues
Et toujours faim et soif aurons;
Jamais tant gagner ne saurons
Que mieux en ayons à manger
Au matin peu en avons et au soir moins;
Car de líouvrage de nos mains
Níaura chacune pour son vivre
Que quatre deniers de la livre,
Et de cela ne pouvons pas
Assez avoir viande et draps,
Car qui gagne dans sa semaine
Vingt sous n'est pas mis hors de peine.
Et bien sachez-le donc, vous tous,
Qu'il n'y a nulle d'entre nous
Qui gagne vingt sous au plus.
De cela serait riche un Duc !
Et nous sommes en grande misère!
Mais s'enrichir de nos salaires
Celui pour qui nous travaillons.
Des nuits grand' partie veillons
Et tout le jour pour y gagner.
On nous menace de rouer
Nos membres quand nous reposons;
Aussi reposer nous n'osons.